Par Cédric Morel, Directeur Hula Hoop / Pour Brief, le magazine de la communication publique
Le constat n’est pas nouveau. Dérégulation des systèmes d’information, fractures algorithmiques, fake news, sur-représentation des extrêmes et remise en cause de toute parole officielle… Nous nous pensions à l’abris de l’incroyable choc trumpiste vécu à distance il y a 6 ans. Pourtant, nous sommes tombés des nues ces dernières années lorsque sont apparus dans le réel tous les anonymes des réseaux et leurs appels à la dissidence. Les manifestations quotidiennes, les clashs familiaux, le complotisme à l’air libre, l’extrême droite aux aguets. Ceci n’est plus science-fiction ou délire du cousin américain. Les éléments sont là, ici, en France, sous nos yeux. Tous les jours.
Institutions, entreprises, médias, chacun peine à retrouver la légitimité de la parole, l’autorité nécessaire de l’émetteur ou de l’expert devant des faits remis chaque jour davantage en question. Tétanisés par cette culture du clash, certains acteurs hésitent, et peinent à trouver le ton pour engager le dialogue avec un citoyen marqué par le ressentiment. Alors comment si l’on ne croit plus en la science, en l’université, en l’histoire, serait-il possible de croire en ceux qui s’expriment au nom du collectif ? Et honnêtement, comment défier efficacement ce phénomène lorsqu’un mensonge est six fois plus viral qu’une vérité ?
Voilà le nouvel enjeu de nos métiers. Mettre au défi cette défiance. Mettre en place les leviers de la confiance par ce que nous savons faire de mieux : créer du lien, de l’empathie, de la conversation et du débat pour faire évoluer des comportements et les représentations. Engendrer de l’acceptabilité. Du commun. Tout un programme …
Alors, le chantier est de taille et de différents temps. Le premier à minima et de très court terme est un défi de la masse et de la précision. Car défier la défiance, c’est avant tout ne rien lui céder, ne lui laisser aucun champ libre, l’affronter rationnellement. C’est répondre, tous les jours, partout, aux approximations, aux interprétations aléatoires, aux détournements. Fact checker autant que possible.
Mais il semble que le sujet pour nos métiers est plus profond. Il appelle à repenser les moyens et la place de la communication au cœur même des politiques publiques. Car l’acceptabilité ne s’impose pas. Elle se co-construit. Elle se débat. Elle est surtout conditionnée à l’expression ou l’exercice de la citoyenneté. Elle implique donc une communication bien plus démocratique. La création de points de rencontres qui permettent à l’institution, à la collectivité, à ses portes paroles de retrouver de la crédibilité, d’interagir sans perdre de leur statut, tout en garantissant l’expression et la prise en compte citoyenne.
Il faut ainsi en finir avec les stratégies de contenu court termistes low cost et massives, de « business hacking », de sur-pression publicitaire, de croissance d’audiences ou d’influence à tout prix pour s’arrimer à des méthodes beaucoup plus enclin à co-produire du dialogue, des projets. Concrètement. Nous disposons d’ailleurs des différents outils et expériences pour emmener cette parole rationnelle sur le terrain du dialogue et de l’émotion, avec intelligence et créativité.
Bref. Pour mettre au défi la défiance, osons la démocratie !