Le monde d’après n’est jamais venu, sauf pour le tourisme ! 4,6 milliards de personnes ont été sommées de se confiner. Parmi elles, nombreuses sont celles qui ne bénéficient pas des bienfaits des industries de loisirs, mais aussi toutes celles qui la connaissaient. Les cartes ont bien été rebattues, à la faveur d’une modification profonde de notre rapport à l’espace (1 kilomètre, 10 kilomètres, 1 département, 1 pays).
De manière presque universelle, et contrairement au ralentissement durable des déplacements pressentis aux prémices de la pandémie, le fait de subir une sédentarité forcée a conduit beaucoup d’entre nous à fantasmer, envisager et prévoir nos futurs déplacements. La question du tourisme est depuis l’été 2020 régie en priorité par les restrictions (financières, sanitaires, pays fermés, pays non vaccinés, quarantaine) ; mais plus seulement. Le temps enfermé « contraint » a aussi permis à chacun de s’interroger sur son rapport au voyage, à la découverte, à la recherche de l’altérité. Pour les professionnels du tourisme, le bouleversement est donc majeur, car les cheminements individuels doivent être traduits vite et bien en offres attractives. Panorama des pistes pour y arriver.
Parler à des publics nouveaux
En ne prenant que l’exemple de la France, force est de constater qu’il existe des endroits dignes d’intérêt touristiques partout, encore faut-il les identifier. Skatepark signé par un grand nom du Tag, collection d’art municipale oubliée, boutique d’antiquités spécialisée dans une période, fête locale comme celle qui célèbre la coquille Saint-Jacques à Port-en-Bessin où la ville entière se recouvre de fleurs en papier et de célébrations… Le beau et la belle expérience sont partout. L’insolite et le typique local sont devenus des centres d’intérêt avouables et louables, il faudra donc compter vite avec ses voisins parmi ses publics touristiques. C’est une piste essentielle pour attirer des publics régionaux avides d’escapades et de nouveautés. Une clientèle peu à même d’annuler pour cause sanitaire, et bien capable de devenir véritable ambassadrice d’un ville voisine qui aura su la dépayser.
Transformer les habitants en puissance invitante
Les voyageurs sont à la recherche d’authenticité. Qui de mieux placé(e) que l’habitant(e) pour l’accompagner, l’accueillir, le conseiller ? Si les habitants peuvent être acteurs par leur métier dans la filière, ou encore par la location de leurs biens, ils sont aussi et surtout, chacun et chacune, les meilleurs prescripteurs du tourisme sur le territoire.
Dans une démarche responsable et responsabilisante, les destinations ont tout intérêt à inclure les habitants dans leurs stratégies. Par des enquêtes, des concertations ou toute autre forme, ils doivent participer aux réflexions et sont les plus à même d’enrichir l’expérience des voyageurs. La bonne relation ne se décrète pas, mais de nombreux dispositifs aujourd’hui largement éprouvés permettent d’y contribuer.
Tous touristes d’affaires ?
Le tourisme est interdépendant avec le monde du travail. Et celui-ci est en pleine réorganisation. Si on ne peut prévoir honnêtement les changements profonds des modes de travail qui seront adoptés dans 5 ans, on peut observer des pratiques émergentes qui nécessitent une structure adaptée. Le télétravail, même partiel ouvre les vannes du déplacement dans un fuseau horaire proche, avec des week-ends différents, des loisirs inhabituels, car il est possible à une Italienne de venir pêcher sur le lac glaciaire du Bourget sans rien sacrifier à sa vie professionnelle. Si les prix bas et le développement des lignes aériennes y ont fortement contribué, les frontières entre les pays s’abaissent encore un peu plus au travers d’une flexibilité nouvelle. Un nouveau public non soumis au rythme scolaire n’attendait que cela, et il faudra le satisfaire. La réflexion sur ce tourisme hybride offre des débouchés considérables.
La nature est un allié
Des crises environnementales majeures nous attendent au cours des prochaines décennies. De nombreuses destinations touristiques s’en retrouvent fortement impactées. Quid, dans 10, 15 ou 30 ans, des stations balnéaires ? Des territoires devenus arides ? Des stations de ski ne jouissant pas d’une altitude assez élevée pour proposer leur activité́ phare ? Les destinations de tous les continents font face à un défi urgent. Celui de transformer leur modèle et leurs offres pour répondre aux attentes des voyageurs tout en plaçant les enjeux environnementaux au cœur de leurs stratégies. Une étude complète de l’ADEME de mars dernier nous apprend que les Français sont non seulement soucieux de l’environnement mais peu aptes à blâmer les politiques. En revanche, ils soutiennent massivement les efforts et les initiatives individuelles à l’échelle des individus et des collectivités locales[1]. Les destinations qui remettent l’environnement au cœur de leurs préoccupations et qui investissent dans un tourisme plus durable trouveront leur public, n’en doutons plus !
Mais dans tout ça, quelle place pour l’inclusivité ?
Pour répondre à ces enjeux imposés par un monde et une société en perpétuel mouvement, les destinations touristiques revoient toutes, progressivement, leurs copies. Des stratégies nouvelles ou révisées voient le jour un peu partout, avec souvent un point commun : mieux de tourisme plutôt que plus de touristes. Si les chemins pour y conduire sont variés, l’ambition est bien d’augmenter les dépenses de chaque voyageur en offrant plus de services ou en montant en gamme. Tout en évitant le piège du surtourisme, devenu insupportable pour les habitants de nombreux territoires. Mais dans un monde où les inégalités se creusent et dans lequel chacun n’a pas la chance de voyager et d’explorer, il est crucial de bâtir des modèles qui permettent un développement du tourisme ambitieux mais équilibré, qui ne laisse personne sur le bord de la route.